Interview
d'Ed Seykota par Jack D. Schwager
Extraits du livre les magiciens des marchés
Ed Sekoya et le trading algo
Bien que complètement inconnus, non seulement du public, mais aussi de la plupart de la communauté financière, les accomplissements d'Ed Seykota doivent certainement le classer parmi les meilleurs traders de notre temps. Au début des années 1970, Seykota fut embauché par une importante société de courtage. Il conçut et développa le premier système commercial automatisé de transactions pour gérer les fonds des clients sur les marchés à terme. Son programme s'est avéré plutôt profitable, mais les interférences et les tentatives d’anticipation des décisions du programme par la direction ont entravé sa performance. Cette expérience a constitué le catayseur de la décision de Seykota de voler de ses propres ailes.
Tout le monde obtient ce qu’il veut
Au cours des années qui ont suivi, Seykota a appliqué son approche automatisée pour gérer une poignée de comptes ainsi que ses propres fonds. Durant cette période, les comptes gérés par Seykota ont connu un taux de rendement tout à fait stupéfiant. Ainsi, à la mi 1988, l’un des comptes de ses clients, qui avait commencé avec 5 000 dollars en 1972, avait connu une expansion de plus de 250 000 pour cent sur la base de la comparaison des liquidités. Je ne connais aucun autre trader ayant égalé cette performance sur la même période.
Je n'avais jamais entendu parler de Seykota avant de travailler sur ce livre. Le nom de Seykota avait fait surface à plusieurs lors de mon entretien avec Michael Markus qui l’a cité comme la personne ayant exercé la plus grande influence sur lui pour devenir un trader performant. Après notre entretien, Markus déclara d’un ton pensif : « Vous savez, vous devriez vraiment interviewer Ed Seykota. Il n’est pas seulement un grand trader; c’est un esprit ».
Psychologie & Algorithme
Seykota travaille d’un bureau dans sa maison en bordure du lac Tahoe, grand lac d'eau douce niché dans les montagnes de la Sierra Nevada, bordant la Californie et le Nevada. Avant de commencer l'entretien, nous avons marché brièvement vers la plage derrière sa maison. C’était un matin clair et froid, et la vue était idyllique.
Contrairement à pratiquement tous les autres traders que j’avais interviewés, le bureau de Seykota n’était pas flanqué d’une série d’écrans de cotations; en fait il n'y avait pas d'écrans! Son trading se résume largement aux quelques minutes nécessaires pour faire fonctionner son programme informatique qui génère des signaux pour le jour suivant.
Lors de ma conversation avec Seykota, j’ai été frappé par l’intensité à la fois de son intelligence et
de sa sensitivité - une combinaison que je
trouvais étrange. II a une façon de voir les choses avec une élévation unique. Il pouvait un instant
parler des techniques analytiques en apparaissant
comme un scientifique accompli (il détient un diplôme d’ingénierie électrique de MIT), montrant un
diagramme tridimensionnel sur l’écran d’ordinateur généré par l'un des multiples programmes qu’il a
conçus. Cependant, à un autre instant,
lorsque la conversation se tournait vers la psychologie du trading, il révélait une grande sensitivité
et connaissance vis-à-vis du comportement humain.
A ses yeux, le trading et la
psychologie sont une et même chose.
Entretien avec Ed Seykota
Comment s’est comporté votre tout premier programme ?
Le programme s’est bien comporté; le problème venait de ce que la direction ne pouvait s’empêcher
d’essayer d’anticiper les signaux. Ainsi, je me souviens
d'une fois où le programme avait généré un signal d’achat pour le sucre lorsqu'il s’échangeait autour de 5
centimes. La direction pensait que le marché
était déjà suracheté et a décidé de ne pas prendre en compte le signal. En voyant le marché poursuivre son
ascension, ils ont créé une règle selon
laquelle ils achèteraient sur le premier retracement de 20 points (100 points équivalent à 1 centime). En
l’absence d'un tel retracement, ils modifièrent
la règle pour acheter sur la première correction de 30 points. Le marché poursuivant sa hausse sans
retracement significatif, ils changèrent la règle à
50 points puis finalement à 100 points. Enfin, le cours du sucre s’établissant autour de 9 centimes, ils
décidèrent qu’il s’agissait d’un marché haussier
et qu'ils feraient mieux d’acheter avant que les cours ne s’apprécient beaucoup plus. A ce stade, ils
prirent une position longue pour les comptes gérés,
comme vous pouvez l’imaginer, le marché du sucre a atteint un pic peu après, et ils aggravèrent l'erreur
en ignorant également le signal de vente,
un signal qui aurait également été très profitable.
Au final, en raison de cette interférence, la transaction la plus profitable de l’année a fini par générer
des pertes.
Par conséquent, au lieu d’un rendement théorique de 60 pour cent sur l’année, un nombre non négligeable;
les comptes ont en fait subi des pertes.
Ce type d’interférence constitue l’une des raisons pour lesquelles j'ai fini par démissionner.
Quelles étaient les autres raisons ?
La direction voulait que je modifie le programme afin qu’il traite plus activement, générant ainsi plus de
revenus de commissions. Je leur ai dit qu’un tel changement serait très facilement réalisable, mais
amputerait sérieusement la performance. Ils ne semblaient pas s’en inquiéter.
Qu'avez-vous fait après avoir démissionné ?
J’ai seulement quitté le département de recherche, mais suis resté courtier pour gérer des comptes. Après
deux ans, j’ai abandonné le courtage pour devenir un gestionnaire de fonds. Cette transition m’a permis de
ne plus vivre de commissions, ce qui a mes yeux constitue une incitation contre productive pour gagner de
l’argent pour les clients. Je suis passé à un accord de commission purement basée sur le profit.
Avez-vous continué à utiliser le programme après votre départ ?
Oui, bien que j'aie substantiellement révisé le système au cours des années…
Quel est le bilan de la performance ?
Je ne publie que la performance de mon « compte modèle », le compte d'un client réel ayant initialement
investi 5 000 dollars en 1972 et ayant gagné
plus de 15 millions de dollars.
Avec une telle performance, comment se fait-il que vous n’ayez pas été inondé de demandes
d’ouvertures de comptes sur la base du bouche à oreille ?
Je reçois des demandes mais ouvre très rarement de nouveaux comptes. Si je décide d’ouvrir un compte, ce
n’est qu’après des entretiens et des vérifications poussés pour déterminer les motivations et les
attitudes du client. J’ai constaté que les gens avec qui je m'associe exercent une influence subtile mais
non moins importante sur ma performance. Si, par exemple, ils sont capables de me soutenir ainsi que mes
méthodes sur le long terme, ils tendent à m'aider.
Si, en revanche, ils s’inquiètent trop des variations de leurs comptes à la hausse et à la baisse sur le
court terme, ils peuvent constituer un obstacle.
Avec combien de comptes avez-vous initialement commencé ?
Environ une demi-douzaine au début des années 1970.
Combien d’entre eux gérez-vous encore aujourd’hui ?
Quatre. Un client ayant gagné 15 millions a décidé de retirer ses fonds et de les gérer lui-même ; un
autre ayant gagné plus de 10 millions a décidé
d’acheter une maison en bord de mer et de prendre sa retraite.
Quelle a été votre source d’apprentissage avant de concevoir votre premier programme?
Le livre Reminiscences of a Stock Operator de Jesse Livermor m’a inspiré et influencé, de même que le
système transversal de moyenne mobile à cinq et vingt jours de
Richard Donchian ainsi que son système de règle hebdomadaire.
Je considère Donchian comme l’un des guides du trading technique.
Quel a été votre premier programme de trading ?
Mon premier programme constituait une variante du système de moyenne mobile développé par Richard
Donchian. J’ai utilisé une méthode de moyenne exponentielle en raison
de sa plus grande simplicité de calcul.
Les erreurs computationnelles tendaient par ailleurs à disparaître sur le temps.
Votre référence à un premier système suggère votre passage à de nouveaux systèmes. Comment
saviez-vous quand votre système avait besoin d’etre
changé ?
Les systèmes n’ont pas besoin d’etre changés. L’astuce est de développer un système compatible avec le
trader.
Etiez-vous incompatible avec votre système d’origine ?
Mon programme d’origine était très simple, avec des règles définitives ne permettant aucune déviation. Il
m’était difficile de conserver le système en
ignorant mes propres sentiments. Je ne cessais d’entrer et de sortir, souvent au mauvais moment. Je
pensais en savoir plus que le système.
A l’époque, je n'étais pas réellement convaincu du bon fonctionnement des systèmes de suivi de tendance.
La littérature « prouvant » leur échec abonde.
Par ailleurs, rester oisif sans essayer de comprendre les marchés me semblait être un gaspillage de mon
intellect et de ma formation universitaire au MIT.
Ma confiance dans l’approche du trading par la tendance finissant par se renforcer, je suis devenu de plus
en plus capable d'ignorer les nouvelles,
et de plus en plus à l'aise avec l’approche. De surcroît, j'ai continué à incorporer davantage de « règles
de trader-expert », rendant mon système plus
compatible avec mon style de trading.
Quel est votre style de trading ?
Mon style se résume simplement au suivi de tendance, avec quelques algorithmes de reconnaissance de
configurations spéciales et de money management.